vendredi 14 mai 2010

Me voilà officiellement "centbornard" !



Je me doutais que cette course de 100km à pied serait un cap difficile à passer, le moins que l’on puisse dire c’est que je n’ai pas été déçu !

Arrivé à Steenwerck quelques heures avant la course, la première constatation est qu’il fait froid ! Et si la température est déjà basse à 4h de l’après-midi, qu’en sera-t-il à 4h du matin ! Brrrrr. Le choix de la tenue vestimentaire de départ n’est donc pas chose aisée. J’opte néanmoins provisoirement pour une tenue « relativement légère »: short collant et bas « boosters » jusqu’en dessous des genoux pour le bas, 1 seule couche mais en textile « hiver » et longues manches pour le « haut ». Mais je prépare déjà les couches à rajouter lorsque la nuit sera tombée, sans perdre de vue les possibilités de pluie…

Le départ est donné à 19h00. Une première boucle unique de 5km est effectuée dans le village, avant d’aborder les 5 boucles de 19km. Je pars prudemment et les sensations sont « moyennes » : j’ai beaucoup mangé depuis le matin et la digestion n’est pas encore terminée. Mais ce ne sera l’affaire que de quelques kilomètres.
Je décide de me brancher sur la planète Ipod et je cherche ma « première » vitesse de croisière, à classer de préférence dans la catégorie « très facile ». Cela a l’air de marcher : Je parcours 10km700 la première heure puis 10km600 la 2ème. Comme espéré. Plus vite serait trop risqué, et je suis convaincu que ralentir ne me fatiguerait pas moins. La 3ème heure est encore au dessus des 10km/h, mais je commence doucement à avoir froid. Le soleil se couche vers 22h, la température chute, pas de doute, la nuit sera longue !

Le parcours de ce « 100 bornes »est ce que l’on pourrait appeler « champêtre ». Car mis à part quelques hectomètres dans le village et le long d’une nationale, la grande majorité du parcours se compose de petites routes asphaltées au milieu des champs, style chemins de remembrement. Aucun éclairage, pas beaucoup de repères … si ce n’est quelques odeurs très « couleur locale » ! C’est sûr, ce décor me change de mes précédentes épreuves à Barcelone, dans le Sahara ou dans les Ardennes … mais bon, c’est plat, et c’est déjà ça.

Me voilà doucement vers la fin de mon 2ème grand tour, j’approche des 40km au compteur et je commence à trouver le temps bien long … Et dire que cette course n’a pas encore vraiment commencé. Il fait noir et je n’ai pas pensé à mettre ma lampe frontale 2 heures plus tôt au premier passage près de mon sac. Difficile de repérer le sol et ses pièges … Heureusement un phare de vélo vient à ma rencontre ! Je reconnais assez facilement la silhouette sportive du Prez … et ça fait plaisir ! Après environ 4h d’effort, sa compagnie tombe vraiment à pic. Je ne le sais pas encore, mais je ne ferai plus le moindre mètre sans ange gardien jusqu’à la fin de la course!

La fin du 2ème grand tour (sur 5) se situe au 43ème km. Je jette un regard sur ma montre pour apercevoir mon temps de passage au marathon : moins de 4h08. Très honnête, mais je sais bien que le rythme va fléchir, c’est inévitable. Une deuxième excellente nouvelle m’attend au ravito : la présence de Kiki, Bernadette, Papy et le Zoulou ! Sur leurs conseils avisés, je prends sagement le temps de m’arrêter pour me changer : je couvre totalement les jambes, je retire le shirt déjà bien humide et j’enfile 2 couches, 1 T-shirt technique et un top longues manches.

Il doit être 23h30, Papy et le Zoulou sont en tenue pour m’escorter, lampes frontales vissées sur le front : Les body guards sont prêts, il ne faut s’y pas traîner à s’y remettre ! Je ne le sais pas encore à ce moment-là, mais ce 3ème tour va être de loin le plus difficile.

Je ne peux même pas encore songer à décompter les km avant l’arrivée (et pour cause, il en reste encore 57 !) mais mon organisme décide de faire clignoter simultanément tous les voyants d’alarme. Description non exhaustive: Les muscles des cuisses se durcissent genre béton armé, les pieds chauffent, les genoux craquent, le dos déguste, la tête est vaseuse … pire encore, l’estomac menace de se retourner à chaque mini quart de micro demi bouchée que je lui impose … C’est clair, sans James et Paul qui sont venus spécialement pour m’épauler, je me mettrais à marcher. Grace à eux, j’essaye de ne pas trop me plaindre et je continue. Le rythme chute, je m’en rends bien compte, mais je parviens à garder le cap et à trottiner. C’est très simple : Le Zoulou ouvre la route, tandis Papy balaie la trajectoire de son faisceau lumineux pour que je puisse choisir où poser les pieds … du grand luxe, quoi !

Les ravitos sont nombreux sur le parcours et me permettent aussi de trouver le « rythme » d’alimentation. Je m’y arrête à chaque fois, mais je ne m’accorde que quelques secondes pour attraper un gobelet et un petit quelque chose à manger. Je marche pour boire et manger (quelques secondes seulement), et moins de 100m après, je remets tant bien que mal la petite foulée en route (C’est le moment le plus pénible !). Cette tactique a tenu jusqu’au bout.

Le temps passe lentement, mais nous voilà proche du 60ème kilomètre … Il doit être pas loin de 2h du mat’ et là il fait vraiment froid. Je vois arriver la fin du 3ème tour avec une certaine inquiétude : vais-je continuer une fois que mes anges gardiens auront accompli leur tâche ? J’ai toujours pensé que l’avant dernier tour semblerait le plus long …

62km accomplis, rentrée aux « stands ». Il reste 2 tours et je décide de m’habiller encore plus chaudement. Grâce à l’aide de toute l’équipe, je change une fois encore les vêtements mouillés, et je rajoute en plus une couche imperméable. J’enfile les gants et la lampe frontale.

Petit miracle inattendu : le Zoulou rempile pour 19km supplémentaire ! Cette excellente nouvelle me soulage et me détend. Je ne sais même plus si je remercie suffisamment Papy et Bernadette pour leur soutien... Faudra pas oublier de le faire après ! Ce 4ème tour sera le plus lent, c’est vrai, mais sa gestion sera vraiment quasi parfaite. James épouse ma foulée de crapaud (lui qui n’aime pas courir lentement, je n’ose imaginer l’effort qu’il doit faire !) et les kilomètres s’égrènent. Même si l’info n’est qu’anecdotique, je constate que ma technique non brevetée du « ravito express » porte ses fruits : plusieurs concurrents me dépassent régulièrement, à des vitesses bien plus rapides que la mienne, mais je les retrouve un peu plus loin, soit scotchés sur une chaise aux ravitaillements, soit en train de marcher pour récupérer … Courage, continuer, il faut continuer !

Je pense tout d’abord avoir des hallucinations, mais James me le confirme : il neige ! D’accord, ce ne sont que quelques grains bien modestes, mais vues les circonstances ils ne sont pas vraiment les bienvenus … Bah, ce contretemps me fait oublier que j’ai mal partout, et ce n’est peut-être pas plus mal. Car cette fois-ci, je ne peux pas m’empêcher d’enfin commencer à décompter ce qu’il reste à parcourir. 70km accompli, il en reste moins de 30 ! C'est-à-dire un nombre commençant par 2 … c’est puéril, je vous l’accorde, mais une distance « dans la vingtaine » devient « raisonnable », et cela permet doucement d’entrevoir, même de très loin encore, la fin de ce calvaire …

80km, on se rapproche de la fin de cet avant-dernier tour tant redouté. J’en profite pour établir une rapide check list des messages en provenance du corps et de la tête : C’est très simple, « tout va très mal, mais finalement ce n’est pas pire que tout à l’heure ! ». Si j’avais la force je sourirais, mais ce serait du gaspillage ;-)

81km. Dernier passage par les stands. Après 38km et … quelques longues heures de course, le Zoulou achève sa mission. Thanks ! Il est 4h30 du matin ! Je crois me souvenir de lui avoir demandé d’être prudent en rentrant en voiture … je m’assieds et dépose mes pieds en position surélevée pour 180 secondes (et pas une de plus !)

En m’inscrivant à cette course au pays des Chtis, j’espérais une grosse ambiance tout au long de la nuit, avec musique, gros éclats de voix et bière qui coule à flot … Hem, on est loin du compte : l’ambiance est inexistante. On a déjà vu des enterrements plus amusants. Et pourtant Kiki et le Prez sont toujours là ! Après un petit BBQ (moins festif que prévu …) et sans doute après un petit dodo dans la voiture, ils m’attendent pour m’accompagner sur ce dernier tour ! Génial !

J’attaque donc les 19 derniers kilomètres. Alain m’accompagne sur le vélo, Kiki viendra à contresens pour courir les derniers kilomètres … quelle Dream Team ! Et contre toute attente… la petite foulée de crapaud tient toujours le coup !… il me semble avoir quelques absences (je n’ai plus l’esprit très clair) mais j’essaye d’entretenir une conversation avec le Prez. Vivement dimanche qu’on aille admirer son rejeton Christophe au triathlon de Seneffe ! Ca au moins c’est un vrai athlète … et heureusement qu’il n’est pas là pour se moquer de ma foulée de batracien ;-) … chaque seconde passée à penser à autre chose qu’à cette damnée course est une seconde de gagnée. Le reste du temps, j’ai l’honneur de faire la connaissance de douleurs jusqu’ici inconnues. « Enchanté ! Moi, c’est Polo, à qui ai-je l’honneur ? « … « Bonjour ! Je suis une petite irritation du tendon d’Achille et je viens te pourrir la vie jusqu’à l’arrivée ! … »

Le soleil se lève … enfin, le soleil c’est une façon de parler : Il commence à pleuvoir et ce qui nous tombe dessus est vraiment glacial ! Cette mauvaise nouvelle me réveille et éloigne mon esprit de tous mes petits bobos … c’es déjà ça de gagné. Je plains Alain qui doit se les geler à rouler à une vitesse si lente dans ces conditions!

90km. Ca se rapproche ! Moins de 10km à parcourir et je commence me faire une idée du temps final, qui ne sera finalement pas loin de celui prévu. Mais qui est ce type idiot qui court à contresens là-bas ? C’est Kiki ! Il vient me tirer pour les derniers kilomètres. Je me cale avec bonheur dans sa foulée et je décompte hectomètre par hectomètre … Alain fait quelques photos, et j’ai (presque) le sourire. Il reste moins de 3 km, cette fois il ne peut plus rien m’arriver. Au loin, je vois 2 ou 3 concurrents qui en terminent aussi. Petite montée de testostérone : et si on gagnait quelques places ? Stupide je vous l’accorde, mais tellement agréable ;-) Petit signe à Kiki et j’accélère progressivement. Gonflé à bloc par l’arrivée très proche, je me surprends à courir de plus en plus vite … j’avale au moins 3 coureurs avant de sprinter dans les 250 derniers mètres !

Une évidence me vient à l’esprit pendant ces derniers mètres, et ce malgré la fatigue et ma stupide petite accélération : Sans cette équipe de choc, c’est certainement une aventure très différente et bien plus pénible que j’aurais vécue. Je leur suis particulièrement reconnaissant !… Merci Bernadette, Alain, Christophe, James et Paul !

Je franchis la ligne d’arrivée en 12h16’33 … j’écrase (très discrètement !) une petite larme :
Ca, c’est fait ...!

Polo
IV/XII

7 commentaires:

  1. Super Polo... tu mérites au moins un 'BRAVO' par mètre parcouru!
    Honnêtement j'avais un peu peur pour cette IVème... tu prouves encore une fois ta capacité à très bien gérer ce genre d'effort!
    T'es vraiment un AS!!!!!!

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  2. Bravo Mon Cher Paul, je ne trouve aucun autre mot pour te dire combien je suis en admiration, même carrément profonde. Bonne récup, repose toi, prends soin de toi et plein de bsx.

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  3. Super Polo et bravo. Tu m'as bien fait rire avec ta rencontre avec tes douleurs inconnues :-)

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  4. Ah le mythe des 100 bornes !
    Bravo, vraiment... Surtout après s'être enfilé le MDS et la Bouillonnante. Respect. Ca donne (presque) envie !
    Courage pour la suite. Et vivement un peu de vélo, ça va te changer !
    F.

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  5. Je sors me faire une petite séance de vma (60'), mais j'ai un petit coup de barre. Alors je passe faire un petit tour sur ton récit des 100. Merci à toi je me sens beaucoup mieux ! Promis je te tél en semaine et j'espère te voir
    Moon

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  6. Chapeau bas Monsieur ! Impressionnant ! Bravo ! Que dire de plus ?

    Bravo aussi pour la qualité de ton blog. Tu nous fais vivre tes exploits, c'est vraiment cool. Bon, pour celui-ci, je dois avouer franchement que je ne suis pas jaloux du tout !

    Après ces 100km, est-ce que tu ne devrais pas chercher quelque chose d'un peu plus spécial pour ta 12ème épreuve ? Franchement, un marathon après tout ce que tu as déjà fait, cela va te sembler vraiment trop facile ;-)

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  7. Peu de choses à écrire : un vrai cinglé du bitume ! Quel mental ! Mais aussi quel rédacteur : j'ai dégusté son récit sans perdre une miette de ses commentaires. C'est ça aussi le Brain !

    Bernard (Solvay)

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